Politesses

Petite, je ne saisissais pas toujours les subtilités du langage des adultes.

Cette histoire remonte à loin… à ma dernière année de maternelle, plus exactement. Ce jour-là, toute l’école était réunie dans une grande salle baignée d’obscurité… ambiance typique d’une fin d’année. Je crois bien qu’on regardait un film ou des diapo…

À un moment, quelqu’un a fait tomber quelque chose et une grande flaque d’eau s’est répandue par terre.

C’est à ce moment-là que le ciel m’est tombé sur la tête.

La maitresse me regarde et me dit « est-ce que tu veux bien aller chercher la serpillère dans la réserve ? »

Je réfléchis. J’ai bien envie de rester assise là, à regarder l’écran avec les autres. Si je pars maintenant, je vais tout rater… alors je lui réponds « non Madame » en secouant la tête.

Roooh, ce changement d’expression sur ce visage déjà sévère ! Je crois bien que je ne pourrais jamais l’oublier : les yeux écarquillés, les lèvres serrées, un regard qui soudain vous transperce ; c’était clair : ma réponse ne plaisait pas à la Dame !

Une fraction de seconde plus tard, il pleuvait : « Si, tu vas y aller ! »

J’y suis allée.

Morte de honte.

Mais dans le couloir, je pestais, perplexe… ben pourquoi qu’elle me pose la question si j’ai pas le choix ? Elle a qu’à dire : s’il te plait va chercher… et pas si tu veux bien, si tu n’as rien d’autre à faire… avec plein de ????? non mais sérieux, ils sont tordus ces adultes !

En rentrant chez moi ce jour-là, j’ai raconté ma mésaventure à Maman. Quelle rigolade ! D’ailleurs, les gens se sont toujours bien marrés avec cette histoire… mais il n’y a jamais eu personne pour m’expliquer. Surement parce que c’était tellement évident… du coup, j’ai inventé ma propre explication : dans ma tête d’enfant, j’en ai déduit qu’une question appelle une bonne réponse et que taper à côté pouvait déclencher une achalande de rires et de désapprobation…

Il m’a fallu des années pour comprendre qu’en réalité sous la question se cachait une formule de politesse qui a son tour cachait un ordre donné d’adulte à enfant.

Ce qu’on peut être tordu, nous les adultes !

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