L’autre femme
Jeanne savait, lui apparemment ne se doutait de rien. « Me croit-il vraiment si bête ? Il était avec elle cette nuit. L’évidence est telle, qu’on ne peut même plus parler d’intuition féminine ! »
Allongeant le bras, Jeanne attrapa le café et s’en versa une bonne tasse. Au moment où elle allait reposer la cafetière sur son socle, elle entendit son Noël sortir de la douche. Ravisant son geste, elle attrapa une tasse et la lui remplit de café fumant.
Jeanne avait hâte qu’il descende. Malgré tout elle aimait encore son mari d’un amour tendre et le petit déjeuner restait son moment favori de la journée. Elle aimait partager ce moment tranquille avec lui avant qu’il ne parte travailler.
Perdue dans les volutes qui s’échappaient des deux tasses, Jeanne écoutait les bruits de la maison. Noël venait de passer de la salle de bain à la chambre, il semblait chercher quelque chose. Le temps semblait comme suspendu, comme dans un film qu’on visionne au ralenti.
Jeanne retrouva alors la sensation de la veille lorsqu’elle attendait son retour assise seule dans la cuisine écoutant le tictac de la pendule. « Un diner avec les clients Benêt, lui avait-il dit. Ne m’attends pas. »
Noël n’était rentré qu’à trois heures du matin. Depuis la chambre, Jeanne pouvait l’entendre se cogner dans les murs, faire tomber ses clés et murmurer des « chut ! » inopinés. Parvenu jusqu’à la chambre, Noël s’était déshabillé au pied du lit et glissé dans les draps avec la discrétion d’un alcoolique fatigué. Il s’était alors endormi sans attendre, sans un geste pour elle.
- Tu es rentré tard cette nuit ?
- Oui, je crois. J’ai un de ses mal de crâne !
- Ça s’est bien passé ?
- Oui, oui… on a de l’aspirine ?
Jeanne n’avait pas bougé quand il s’était couché, loin d’elle, de son côté du grand lit conjugal. C’est ce qu’il fait chaque fois qu’il la voit, s’allonger aussi loin que possible, évitant tout contact… peut-être pour pouvoir rester avec elle encore un peu.
- « Ne m’attends pas ce soir, j’ai une réunion qui va surement se terminer un peu tard. Houla ! Faut que j’y aille moi, je vais être en retard… Bonne journée. »
- « Bonne journée mon amour. »
Déposant leurs tasses jumèles dans l’évier, Jeanne fut de nouveau envahie par leur image. Elle ne savait pas vraiment d’où lui venait cette image, parce qu’en vrai, elle ne les avait jamais vus ensemble. Un rêve qu’elle avait fait peut-être ? Pourtant elle les voyait si clairement… lui, le sable, la mer, la nuit, et elle, la blondasse qui avait osé s’inscrire à son cours de danse.
Dans le silence la sonnerie du téléphone retentit comme une alarme. « Salut… oui il vient de partir… viens, j’ai envie de toi… »
à suivre…