Les vapeurs de Cendrillon
Doni regardait l’homme qui dormait à ses côtés. C’est pas qu’il était laid ou quoi. Le problème était plutôt qu’elle ne savait absolument pas qui il pouvait bien être. Elle se demandait comment elle était arrivée là, dans cette tente… ? Et surtout : qu’avait-elle fait avec ce type ? Oui, bon, elle s’en doutait un peu quand même parce que elle était nue, il était nu… finalement une seule question se posait vraiment : comment sortir d’ici discrètement, sans réveiller le bonhomme ?
L’enchainement des évènements de la veille lui revenait peu à peu en mémoire : toute à son obsession du moment, Doni avait croisé celui qu’elle savait être l’homme de sa vie à de multiples reprises (pur hasard vous dit-on !). Au détour d’une de ces rencontres il lui avait parlé du club, celui où il retrouvait ses amis presque chaque soir. A l’instant même où il lui en parla, Doni su qu’elle y trainerait Léa et son bouboule de copain.
Le soir venu, Doni mit donc en œuvre tous ses talents pour 1- se pomponner, 2- expliquer à Léa l’urgence de la situation. Elle en était persuadée : ce soir serait Leur soir. Petite robe, manucure impeccable, maquillage hardent, allure féline, jamais Doni ne s’était sentie plus désirable qu’en entrant dans ce club. L’homme de sa vie était là. Il lui sourit, elle lui sourit, tout était dit.
Il lui offrit un verre, puis un autre, puis… toujours les yeux dans les yeux. Alors, Doni s’était abandonnée : portée par la musique, grisée par l’ambiance, elle savourait le délicat jeu de séduction qui s’était installé. Elle était conquise, il le savait. Le monde pouvait s’écrouler, pour Doni, seuls comptaient désormais le sourire de l’homme de sa vie et son regard bienveillant comme objet de toutes ses obsessions.
Perdue dans le souvenir de cette soirée parfaite, Doni sentit un contact, une main furtive sur la peau délicate de sa cuisse. Avant qu’elle ne réalise, la caresse délicate s’était déjà transformée en contact franc et très explicite. L’homme - cet homme qui n’était pas l’homme de sa vie ! - se rapprochait, de tout son corps nu, manifestement enfiévré. Pour lui, c’était déjà une évidence. Il ne posait pas une question, il clamait haut et fort : ramène ton cul par ici, j’ai envie.
Doni sentit monter en elle un désir irrépressible : vomir. Son estomac fut pris de violents spasmes… il fallait qu’elle sorte d’ici. Maintenant. « Tu vas où ? Reviens vite, j’ai… » « Oui, oui, je… faut que j’aille aux toilettes ». Doni ne savait pas où elle était, ni où elle devait aller. Elle ne savait qu’une seule chose : il fallait qu’elle parte loin, qu’elle prenne une douche, qu’elle oublie cette tente, ce type, cette nuit dont elle ne gardait manifestement pas les bons souvenirs.
Franchissant l’entrée du camping, l’obsession revient : le regard bienveillant. Où est-tu homme de ma vie ? Pourquoi je suis là, et toi pas ?